« Les communs numériques peuvent féconder à la fois le marché et les services publics en les incitant à travailler autrement et ensemble »


Tous deux s’intéressent de longue date aux communs numériques, ces ressources citoyennes, coproduites et ouvertes. Valérie Peugeot, chercheuse en sciences sociales du numérique et membre du collège de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), en a fait un objet d’étude. Henri Verdier, ambassadeur de la France pour le numérique après avoir été directeur interministériel du numérique, a mis la logique des communs au cœur de la stratégie française d’innovation et de souveraineté dans ce domaine.

Avec l’accélération des développements de l’intelligence artificielle (IA), on constate un regain d’intérêt pour l’idée de communs numériques. Comment l’expliquer ?

Henri Verdier : Les systèmes d’intelligence artificielle générative sont en train de révolutionner nos sociétés et nos économies. Cette accélération risque de conduire à un monde encore plus monopolistique qu’il ne l’est aujourd’hui, car ces systèmes réclament une grande puissance de calcul et de gigantesques bases de données pour les entraîner. Le scénario où seuls les géants américains ou chinois auraient la maîtrise de ces technologies est un repoussoir auquel les communs peuvent fournir une réponse.

Les Etats de l’Union européenne prennent conscience de la nécessité, pour conserver une souveraineté d’innovation, de créer des infrastructures ouvertes et partagées. De nombreuses initiatives sont lancées. Si l’on ne met pas en place ces infrastructures accessibles et à la gouvernance partagée, on risque de vivre dans un monde où il faudra demander la permission d’innover à des acteurs comme Elon Musk.

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Valérie Peugeot : L’appel de la France à des communs numériques de l’IA est une excellente initiative, qu’il faut encourager. Nous avons besoin de bases de données et d’algorithmes partagés, pour des questions de souveraineté et aussi pour aligner les technologies d’IA sur nos valeurs européennes.

Je suis plus circonspecte quant à l’usage de la notion de « communs » pour qualifier ces infrastructures. On a tendance à la confondre avec le bien commun, alors que ce sont deux notions différentes. Le bien commun est une conception de l’intérêt général plus ou moins partagée dans une société. Les « communs », de leur côté, sont définis par trois piliers : il faut une ressource partagée – matérielle ou immatérielle –, gérée par une communauté – locale, dans le cas d’un jardin partagé, ou mondialisée et déterritorialisée, comme celle qui gère le logiciel libre Linux –, qui définit des règles de gouvernance pour protéger la ressource et en distribuer les droits d’usage.

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